Talent

« Goinfre ! Mangeur ! Cannibale ! ici même, près de ce banc, devant l’église, j’ai vu passer, hier, ce n’est pas vieux, un vieux. Il m’effraya. Les bords de son chapeau touchaient ses épaules. Sa canne sortait du fond de sa manche où sa main se cachait. Ses genoux frôlaient la terre. Des serpents de barbe et de chevelures blanches lui pendaient derrière et devant. »  p.42

« Dans l’odeur de la femme, les Veufs, même le barbichu, cavalent comme s’ils croyaient avoir quelque chance, mais ils savent bien qu’ils n’en ont aucune. Saloperie ! Saloperie de vie ! […] la meute des Veufs, peureuse, haletante, imite avec exactitude l’itinéraire de la femme. Sa démarche balancée sur les hanches, leur fait aboyer le cœur. Vers sa chevelure, clarté plus poignante que de la lune et des lampes, le corps des pignoufs et des gougnaffiers se tend comme un épieu, mais qui ne blesse qu’eux. […] Elle se couche dans les feuilles mortes. Il faut que l’homme la prenne. L’homme prend. Les feuilles mortes gémissent. Les jambes de l’homme n’arrêtent pas de trembler. La bouche de l’homme projette dans la face de la femme une odeur de pourriture dentaire, de pompe funèbre et de boisson aigrie.  » p.186-19

Talent, L’Arbre vengeur, 2006